À l’heure où l’outil est de plus en plus visé par les autorités européennes de protection des données personnelles, les utilisateurs de Google Analytics – autant dire la majeure partie des marketers qui nous lisent – ont été avertis qu’ils allaient devoir passer à Google Analytics 4 à partir du 1er juillet 2023. On en a discuté avec David Solito, fondateur de l’agence de performance marketing adwire.
David, qui est concerné par la fin de Universal Analytics?
L’annonce de Google ce 16 mars 2022 sonne définitivement le glas pour Universal Analytics, et ce sont des millions de sites qui sont aujourd’hui concernés par cette annonce. Je dirais que cela représente plus de 90% du marché qui est impacté au Luxembourg si je m’en réfère à la part de marché de Google Analytics dans notre clientèle. C’est un nouveau coup de force de Google. Après le 1er juillet 2023, plus aucune donnée ne remontra dans votre propriété UA (Universal Analytics, ndlr). Il sera toujours possible de consulter ses données historiques mais pour une période seulement assurée de 6 mois. Google annoncera la date ultime de l’accès à ses données de visites dans les prochains mois… affaire à suivre de près pour celles ou ceux pour qui les données historiques sont importantes mais ne vous attendez pas à ce qu’elles restent disponibles longtemps après cette échéance.
Concrètement, passer à Google Analytics 4, ça change quoi?
Beaucoup de choses. Il faut bien comprendre que nous parlons d’un produit totalement différent qui s’accompagne d’un changement fondamental dans la manière dont les données sont récoltées et stockées. Parmi les changements importants, il faut noter que GA4 ne s’appuie plus sur les « hit type » (comprenez type d’interaction) lors de sessions des utilisateurs mais sur des « events ». Pour aider tes lecteurs à y voir clair, les principaux « hit type » de UA sont la Page View, User Timing, Transactions, Social… Avec GA4, ces « hits » deviennent aussi des « events ». C’est pour cette raison que l’on dit de GA4 qu’il est “event-centric” au lieu d’être “page-centric”.
C’est une opportunité pour faire le point sur les données qui sont stratégiques pour l’entreprise et leur utilité.
Le modèle de donnée des « events » change lui aussi et ne se limite plus aux « Category, Action, Label » bien connus. Cela a une implication importante dans le plan de tagging et son implémentation. Il sera donc à revoir. C’est aussi une opportunité pour faire le point sur les données qui sont stratégiques pour l’entreprise et leur utilité.
Les attributs des pages vues changent aussi, ce qui impacte la comptabilisation. Vous ne retrouverez pas les mêmes valeurs entre UA et GA4. Même impact pour la comptabilisation des sessions qui étaient tributaires du temps d’inactivité (30 min par default) ou d’un reset (comme générer une nouvelle session avec un paramètre UTM dans son URL. Ce qui posait problème lorsque vous utilisez des UTM pour les liens dans un slider en haut de page par exemple où encore des abus de comptabilisation). Le départ d’une session est maintenant remplacé par un « event » et la durée par l’intervalle de temps entre le premier et le dernier « event ».
Vous ne retrouverez pas les mêmes valeurs entre UA et GA4. Attendez-vous par exemple à voir le nombre de sessions diminuer lors de vos campagnes.
Pour les annonceurs et les publishers, cette comptabilisation de session est importante car elle est parfois considérée comme le seul indicateur de performance d’une campagne pour l’agence et son client. Maintenant que les paramètres UTM ne génèrent plus de nouvelle session, attendez-vous à voir ce nombre diminuer lors de vos campagnes. Ne cherchez pas non plus après votre taux de rebond, il n’est plus présent, il est maintenant remplacé par le taux d’engagement.
Pour ceux travaillant avec Google Ads, l’impact sur les audiences et les remontées de conversions est sans équivoque. Tout est à revoir. Si vous êtes un eCommerçant ou annonceur soucieux de la performance de vos campagnes et de vos investissements, c’est à prendre très au sérieux.
Mais GA4 offre bien plus. Surtout pour les paramètres d’events associés aux events. C’est plus de possibilités d’analyse de contenu comme par exemple la possibilité d’ajouter l’id d’un article ou encore l’id de l’auteur et son nom à l’event de lecture de contenu. Pour l’attribution aussi cela change. Elle est alimentée par l’intelligence artificielle et les conversions se voient attribuées par du prédictif pour enfin sortir des modèles d’attribution personnalisés ou au « last non-direct click ». Sans parler de l’intégration native avec BigQuery pour le stockage des données brutes ou de firebase.
GA4 offre aussi l’anonymisation des adresses IP par défaut, ce qui est un avantage certain par rapport à UA surtout dans un contexte GDPR, même si cela ne règle pas le problème actuel et la pression mise par les CNIL en Europe.
Faut-il attendre sagement le 1er juillet 2023, ou s’y mettre avant?
Surtout ne pas attendre mais planifier votre migration si cela n’est pas encore fait. Les agences expertes ne sont pas légion au Luxembourg et elles risquent vite d’afficher complet dans les prochains mois. Si vous comptez faire la migration vous-même, il existe quelques ressources comme la documentation officielle de Google. Attention, si vous avez besoin d’analyse YoY, il ne vous reste plus que 3 mois pour l’implémentation de votre nouveau plan de donnée.
Quelles sont les étapes à suivre pour une migration réussie vers GA4?
Je te les liste sous forme de bullet points, c’est plus clair et plus parlant. Il faut, dans l’ordre:
- Documenter le plan actuel d’implémentation
- Lister l’ensemble des objectifs et les metrics nécessaires à la mesure
- Créer un nouveau plan d’implémentation
- Configurer son Server-Side Tag Manager (important dans un contexte first-party et minimiser l’impact ITP)
- Implémenter les nouveaux dataLayers
- (Re)configurer Tag manager
- (Re)configurer son CMP (Consent Management Platform)
- Configurer GA4
- Exporter les données historiques
- Training
Ce n’est pas rien. Autant s’y attaquer dès maintenant.
En parallèle, on entend beaucoup parler de «l’illégalité» de Google Analytics en Europe. L’outil ne convient pas à différentes autorités européennes qui la jugent non-conforme au RGPD. Les transferts de données personnelles des Européens vers les Etats-Unis constituant le cœur du problème. Si Google Analytics était banni d’Europe, quelles seraient les alternatives?
Je vais essayer de clarifier la situation même si je ne suis pas un expert du droit. La mise en demeure de février d’un gestionnaire de site web par la CNIL française a mis le feu aux poudres peu de temps après la décision de la CNIL autrichienne et peu de temps avant la CNIL Belge (APD). La CNIL française reproche au gestionnaire du site le partage de données personnelles (Session id, User id, transaction id, adresses IP…) avec Google. Comme Google est incorporée aux Etats-Unis, elle peut faire l’objet d’une injonction de la justice américaine afin de mettre la donnée en question à la disposition de la NSA (les services de renseignement américains, CLOUD Act, FISA). Comme le mentionne la CNIL sur son site, elle conclut que les transferts vers les États-Unis ne sont pas suffisamment encadrés à l’heure actuelle même si Google a adopté des mesures supplémentaires pour encadrer les transferts de données dans le cadre de la fonctionnalité Google Analytics. Conséquence de l’arrêt Schrems II par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qui invalide le Privacy Shield. En attendant que l’Europe et les US s’accordent sur un nouveau framework.
Cette situation est problématique pour les agences et les annonceurs. Elles doivent faire face à des investissements qui ne sont pas négligeables. D’une part entre l’analyse des solutions alternatives, d’un nouveau plan de tagging, du coût d’une solution payante ou de formations, cela peut vite se chiffrer à plusieurs milliers d’euros. Changer de solution, c’est aussi renoncer à toutes les audiences historiques récoltées pour ses campagnes. Et puis, doit-on le faire précipitamment où attendre le déplacement des pions de ses concurrents? Situation de Déjà-Vu avec la bannière de consentement.
Le gros avantage avec Google Analytics c’est son interopérabilité avec Google Ad Manager côté publisher et avec Google Ads côté agence/annonceur. Mais c’est probablement aussi ce qui ralentit tout le processus de mise en conformité.
C’est aussi ce qui a, à mon avis, poussé Google à imposer GA4 définitivement l’année prochaine et à investir dans la mise en conformité pour une seule des solutions proposées (ou ne rien faire pour sa version gratuite et délaisser le marché des SMB). Nous attendons impatiemment la prise de parole de Google et les fonctionnalités à venir pour garantir un meilleur contrôle des données.
Pour vous aider, la CNIL en France a publié une liste de solutions qui ne demanderaient pas le consentement de l’utilisateur pour peu que l’on respecte la configuration proposée. On y retrouve les plus connus comme Piwik Pro, AT Internet ou encore Matomo.
Vous trouverez facilement aussi des articles de qualité comme celui de visher qui vous disent comment mettre UA “client-side” en meilleure conformité (cela reste à prouver) mais je ne compterais pas trop dessus. De un, c’est de l’investissement et cela peut encore changer rapidement. De deux, cela ne réglera pas le problème d’obsolescence programmée de UA.
Le mieux étant de faire appel à un expert en data analytics comme adwire, qui prendra le temps d’analyser votre situation et de vous proposer une solution adéquate de remplacement ou encore une roadmap de transition.