À l’occasion de la création de l’ALEMI, nouvelle asbl qui veut porter haut la voix et le combat des petits éditeurs de presse au Luxembourg pour subsister face aux principaux groupes de presse, nous avons rencontré son président Maurizio Maffei, actif au sein de la société Luxe Taste & Style, éditrice des magazines Kachen et Reesen.
Maurizio, vous êtes le Président de l’Association Luxembourgeoise des Éditeurs de Médias Indépendants. Quel est l’objet de cette nouvelle asbl?
« L’Association Luxembourgeoise des Éditeurs de Médias Indépendants a pour mission principale de mettre en avant le rôle crucial des petits éditeurs dans le paysage médiatique luxembourgeois. Ces éditeurs, laissés sans véritable représentation, sont essentiels pour assurer une diversité et une pluralité de l’information.
Ces petits éditeurs de presse sont essentiels pour assurer une diversité et une pluralité de l’information.
Nous cherchons à les représenter, à défendre leurs intérêts face aux diverses instances, et à garantir leur accès équitable aux aides et ressources publicitaires. Notre objectif est de préserver et de valoriser une presse indépendante et équitable au Luxembourg.
Qui sont les membres fondateurs de l’ALEMI? Et qui peut la rejoindre?
Les membres fondateurs de l’ALEMI sont un groupe d’éditeurs engagés et passionnés, conscients de la nécessité d’une voix unifiée pour les éditeurs indépendants au Luxembourg. Sans entrer dans les noms spécifiques, ils proviennent de divers horizons médiatiques et partagent une vision commune de la promotion de l’indépendance journalistique et de la diversité de l’information. Toute entité opérant comme éditeur de médias au Luxembourg et partageant nos valeurs peut envisager de rejoindre l’ALEMI. Nous sommes particulièrement intéressés par les éditeurs qui se sentent sous-représentés et qui cherchent une plateforme pour renforcer leur position dans le paysage médiatique. Notre but est d’être inclusif et de rassembler le plus grand nombre possible d’éditeurs pour garantir un panorama médiatique riche et diversifié.
Il existait déjà l’ALMI, l’Association Luxembourgeoise des Médias d’Information. N’est-ce pas un doublon?
Effectivement, l’ALMI existe déjà et joue un rôle important dans le paysage médiatique luxembourgeois. Cependant, il y a une distinction cruciale entre les deux associations. Selon les critères de l’ALMI, il est nécessaire que ses membres aient au moins cinq journalistes. Plusieurs de nos fondateurs ont tenté d’être acceptés au sein de l’ALMI, mais ont malheureusement été refusés en raison de ce critère. Face à cette situation, nous avons ressenti le besoin de créer une plateforme plus inclusive, qui ne s’arrête pas à un chiffre arbitraire de journalistes. La législation luxembourgeoise est claire: nous avons pleinement le droit de nous définir en tant qu’éditeurs de médias. Cette exclusion, basée sur le nombre de journalistes, paraît être en lien direct avec les critères d’accès aux aides établis par la loi de 2021.
Pourquoi avoir arrêté ce seuil précis à cinq journalistes? Pourquoi pas trois, ou même huit? À ce jour, personne n’a su me fournir une justification claire.
J’ai fréquemment interrogé divers interlocuteurs: pourquoi avoir arrêté ce seuil précis à cinq journalistes? Pourquoi pas trois, ou même huit? À ce jour, personne n’a su me fournir une justification claire. Avec l’ALEMI, notre ambition est de donner voix à tous les éditeurs, sans distinctions injustifiées, pour une information diversifiée et inclusive.
La répartition de l’aide étatique en faveur du journalisme professionnel est le premier sujet sur lequel l’ALEMI souhaite se positionner. Selon vous, en quoi les « petits » éditeurs de presse sont-ils désavantagés par la législation actuelle?
La législation en faveur du journalisme professionnel n’est pas le principal objectif de notre association, mais il est évident que plusieurs de nos membres ont exprimé des préoccupations concernant la loi de 2021, en particulier en ce qui concerne ses effets sur les petits éditeurs. Cette loi instaure un déséquilibre en défavorisant les petites entreprises éditoriales (PME) face aux grands éditeurs, qu’ils soient nationaux ou avec une participation étrangère. Pour illustrer: avec une subvention de 30.000 euros et l’évolution des salaires des journalistes ces dernières années, les grandes maisons d’édition bénéficiant de cette aide peuvent couvrir entre 50% et 90% des salaires de leurs journalistes. À l’opposé, les petites structures, soit non-éligibles à cette aide, soit la voyant disparaître après trois ans, rencontrent des difficultés pour attirer et former des talents et réaliser d’autres investissements en personnel, d’autant plus qu’elles assument intégralement le coût des salaires. En conséquence, les petits éditeurs pourraient voir leur modèle économique menacé par ce déséquilibre.
De plus, les journalistes, avec moins d’éditeurs et une concentration croissante des médias, auront moins de choix pour leur futur employeur. Les responsables de la distribution des aides au journalisme professionnel sont déjà conscients que la «pluralité de marché» au Luxembourg est en péril: le risque de concentration des médias d’information est à 97%, et celui des médias numériques à 88%. Il semble que lors de la conception de cette loi, ces conséquences n’avaient pas été anticipées. Il est donc urgent de revoir les mécanismes et critères actuels.
Nous espérons que les futurs décideurs, quel que soit leur orientation politique, seront disposés à en discuter rapidement.
Nous espérons que les décideurs, quel que soit leur bord, seront disposés à en discuter rapidement. Comme mentionné lors du récent SME OPEN DAY par la Chambre de Commerce, il est vital que les PME ne soient pas désavantagées à l’échelle nationale. Si une législation crée une telle inégalité, des modifications sont nécessaires. »