Paperjam, la marque média phare de Maison Moderne, a eu 20 ans le 19 juin. Quelle est votre plus grande fierté?
D’avoir réussi à lancer, développer et établir une des principales marques médias au Luxembourg. D’avoir réussi à créer un véritable écosystème autour de la marque qui permet aujourd’hui, avec le magazine, ses suppléments, ses hors-séries, ses présences digitale, mobile et sociale, ses différentes newsletters et bien entendu son business club de toucher 150.000 lecteurs et membres. D’offrir une voix indépendante et influente dans le paysage médiatique luxembourgeois tout en proposant un journalisme de qualité. De s’engager pour le développement du Luxembourg à long terme, en contribuant au changement sociétal et au rayonnement international du pays. D’avoir travaillé tout au long des vingt ans avec des équipes fantastiques et motivées pour toujours continuer à aller de l’avant. D’avoir accompagné le développement du Luxembourg et raconter les histoires de ceux qui ont fait bouger le pays.
La rédaction a retracé en ligne les 20 ans du magazine en 200 couvertures. Si vous deviez n’en choisir qu’une, la plus forte, ce serait laquelle?
Celle de septembre 2020. On prépare actuellement la nouvelle formule du magazine. Mais comme vous ne la verrez que le 24 septembre, je choisis celle de janvier 2006 avec Luc Frieden photographié par Andrés Lejona. C’est évidemment un portrait magique, le travail d’un grand photographe, d’un sujet complice. Mais il a été sublimé par un ensemble de choix de fabrications d’une nouvelle formule dont celui-ci était le premier. Un magazine de près de 200 pages, un gros dos carré, un papier hyper glossy en couverture, le cadre blanc autour de la photo. Une grande période pour la presse magazine.
Alors que les recettes publicitaires se sont pratiquement arrêtées du jour au lendemain, les entreprises média ont continué à produire du journalisme professionnel. Ça a coûté très cher à l’ensemble de l’industrie des news.
Entre confinement et distanciation sociale, le print et le live ont subi de plein fouet – et subissent encore – les effets Covid-19. Avez-vous chiffré les pertes pour Paperjam et son business club?
C’est surtout l’activité presse qui a été touché. Et c’est vrai pour tous les acteurs. Alors que les recettes publicitaires se sont pratiquement arrêtées du jour au lendemain, les entreprises média n’ont pas envoyé leurs journalistes au chômage partiel, mais ont continué à livrer de l’information, à produire du journalisme professionnel. C’était bien évidemment contraire à toute logique économique, mais informer en toutes circonstances est notre raison d’être. Ça a coûté très cher à l’ensemble de l’industrie des news. Quant au Paperjam Club, les équipes ont réagi très rapidement et développé une offre digitale à défaut d’avoir des événements à proposer. Cela s’est traduit par l’organisation de webinars, de live chats et de tables rondes avec des participations, entre le live et le replay combiné, de quelques milliers de personnes pour les plus populaires. Puis, on a expérimenté avec les événements mi-live/mi-streaming, comme l’organisation du 10×6 produit en live dans l’auditorium de pwc, avec les intervenants et quelques personnes sur place, puis le public à distance, mais interactif grâce à un chatroom qui a bien fonctionné. Le Paperjam Club n’est pas un organisateur d’événements, mais un animateur de la communauté business qui facilite le networking et qui permet la formation. L’offre digitale a parfaitement répondu à cela.
Lancée en 2008, Paperjam TV a rapidement périclité. Et pourtant aujourd’hui, la vidéo est un des formats privilégiés par les internautes. Un regret de ne pas avoir persisté dans cette voie?
Avoir la bonne idée trop tôt, c’est aussi se tromper. À l’époque, nous avions vu trop grand en lançant d’un jour à l’autre une émission TV live de 20-25 minutes, avec un journal et un à deux invités par jour. On a appris énormément de choses dans un temps record. Mais c’était vraiment trop tôt, et on n’aurait pas pu continuer à produire pendant des années en attendant que la vidéo perce sur le mobile et devienne un des formats majeurs aujourd’hui. Tout comme l’audio. Mais on s’intéresse à nouveau au contenu vidéo et aussi au contenu audio. L’arrivée de la journaliste Nathalie Reuter dans nos équipes pourra accélérer ce développement.
La crise vous a fait revenir à la barre de Maison Moderne, 3 ans après la nomination de Richard Karacian au poste de CEO. Comment envisagez-vous la suite?
Nous avons réussi à réagir très rapidement. Adapter notre calendrier des parutions, digitalise le magazine et le business club, servir les clients de l’agence, accompagner nos clients… et tout cela depuis 120 domiciles répartis en quatre pays. Il me semblait tout à fait naturel de ne pas regarder faire mes collègues, mais apporter mon appui lors de cette crise exceptionnelle. Et le retour à la normale n’est pas pour demain. Tant que les temps seront difficiles je continuerait à donner un coup de main aux équipes opérationnelles. Je m’intéresse beaucoup à l’évolution à la fois des produits et de la proposition de valeur. Pour ne pas perdre le courage face à l’incertitude, il faut se projeter dans le futur post-crise et interroger son modèle économique, ses produits, ses marques. Maison Moderne n’a pas de souci de ce côté-là. Nous sommes future-proofed. Cela donne aussi du courage aux équipes.
Se faire racheter par Mediahuis était la meilleure stratégie pour Saint-Paul.
À l’image de Saint Paul racheté par le belge Mediahuis, Maison Moderne aurait-elle aussi besoin d’un grand groupe pour soutenir son développement? En 20 ans de Paperjam, avez-vous déjà été approché?
C’est face à la concurrence internationale des plateformes et moteurs de recherche et face aux investissements à faire dans la technologie que de nombreuses entreprises médias fusionnent pour créer des synergies et réaliser des économies d’échelle. Se faire racheter par Mediahuis était la meilleure stratégie pour Saint-Paul. C’est un partenaire industriel qui va professionnaliser l’entreprise. A un niveau européen, les groupes de presse sont en relation, s’observent et se rencontrent. Nous avons un modèle économique intéressant autour d’un écosystème unique, avec Paperjam nous avons un champion des audiences dans la presse écofin européenne et nous présentons un bilan sain. Si nous pouvons représenter une cible intéressante, nous considérons cependant avoir d’autres priorités.
Le quotidien Lëtzebuerger Journal stoppera sa production print en fin d’année pour se concentrer sur le digital. C’est forcément ça l’avenir des médias?
Ce n’est certainement pas le dernier quotidien imprimé au Luxembourg qui arrêtera sa production print… pour passer au digital ou pour arrêter sa parution tout simplement. Si l’avenir est au digital, ce n’est certainement pas une garantie de survie pour des marques médias sans promesse aux lecteurs. Je ne peux pas imaginer que Luxembourg pourra se payer près d’une dizaine de titres digitaux payants. Le lectorat me semble trop petit pour cette offre. Il y aura forcément des marques qui vont disparaitre.
Paperjam est devenu un quotidien il y a déjà de nombreuses années. C’est la périodicité qui définit plus la forme de journalisme qu’on fait que le support.
En amoureux du print, le pari de la Presse Quotidienne pour Paperjam, vous y avez déjà pensé?
Paperjam est devenu un quotidien il y a déjà de nombreuses années, lorsque nous avons lancé notre newsletter d’abord quotidienne, puis bi-quotidienne… en digital. C’est la périodicité qui définit plus la forme de journalisme qu’on fait que le support. Mais en tant qu’amoureux du print, et fervent défenseur de son impact pour faire passer des messages publicitaires, je recommanderais plutôt d’investir dans la presse magazine, mensuelle ou encore hebdomadaire. Les suppléments du Week-end auront encore un grand moment devant eux. Après toute la semaine devant les écrans de son ordinateur et de son mobile, on se réjouit de passer en mode lean-back, profiter du me-time et lire pour comprendre le monde autour.