La campagne en question date de juin 2022, mais c’est aujourd’hui qu’elle est pointée du doigt par le Conseil National des Femmes du Luxembourg, qui la juge sexiste. Interpelée par le CNFL, la Commission Luxembourgeoise pour l’Éthique en Publicité (CLEP) vient d’émettre un avis en sa faveur.
Relancée récemment, la campagne publicitaire incriminée est celle de la Chambre des Métiers pour la promotion du Brevet de Maîtrise, plus important label de qualité dans l’Artisanat. Conçue il y a deux ans par l’agence VOUS, son univers visuel s’inspire de la célèbre série Netflix Casa de Papel.
Alors au juste, pourquoi le Conseil National des Femmes du Luxembourg s’insurge aujourd’hui contre cette campagne? Dans un communiqué, largement relayé par les principaux médias du pays, le CNFL dit s’inquiéter face à la représentation sexiste des métiers dans cette publicité. On vous explique:
Ce qui pose problème:
Dans cette publicité, deux femmes ont été choisies pour représenter les métiers de bouche et de la coiffure. La première tient un fouet de cuisine tandis que la seconde et « armée » d’un sèche-cheveux. Deux illustrations qui perpétuent aux yeux de la CNFL les stéréotypes féminins liés aux tâches ménagères et aux cosmétiques. D’autant plus qu’à leurs côtés, trois hommes sont eux représentés avec un iPad et des outils, renforçant l’idée que les hommes devraient exercer des professions traditionnellement masculines soit dans le domaine de la technologie et de la mécanique.
Une publicité visant à encourager les jeunes à s’inscrire à un brevet, mais qui renforce des stéréotypes sexistes, soulève des questions sur les types de représentations auxquelles les futures générations sont exposées et sur la manière de leur offrir de meilleures représentations non stéréotypées.
Extrait du communiqué du CNFL
Ce que dit la CLEP:
Suite à la diffusion du communiqué du CNFL, la Commision Luxembourgeoise pour l’Éthique en Publicité (CLEP) a décidé de prendre position avant même d’être officiellement saisie par le plaignant. Dans son avis rendu public le 3 juillet, elle estime que « les stéréotypes et rôles genrés illustrés dans la campagne contribuent à la discrimination et aux inégalités entre les sexes. », partageant ainsi l’avis du Conseil national des Femmes du Luxembourg.
Ce que dit le code de déontologie de la publicité au Luxembourg:
Pour rendre cet avis, la CLEP s’appuie sur le code de déontologie de la Publicité au Luxembourg, et plus précisément dans ce cas sur l’article 4, qui stipule que « la publicité doit éviter toute entrave à l’égalité des sexes en tenant compte de l’évolution de l’environnement social et des relations humaines ainsi que de la diversité des rôles assumés par les deux sexes. » La CLEP considère ainsi que la campagne de la Chambre des Métiers ne respecte pas cette exigence.
Ce que répond la Chambre des Métiers:
En réponse au communiqué du CNFL, et avant la diffusion de l’avis de la CLEP, la Chambre des Métiers s’est exprimée, sans toutefois reconnaître clairement le malaise évoqué. En revanche, l’institution dit avoir conscience de sa responsabilité et assure veiller, dans le cadre de ses campagnes et ses communications, à représenter la diversité des genres dans les métiers de façon équilibrée et inclusive: « La campagne en faveur du Brevet de Maîtrise met en valeur les métiers et non pas les personnes. Ces dernières sont vêtues de manière uniforme en cotte avec cagoule et restent ainsi anonymes dans une perspective de valoriser le message de communauté et de motivation pour le progrès professionnel. Le but de la campagne est ainsi de représenter les principaux métiers artisanaux par divers outils traditionnels utilisés dans le quotidien des maîtres-artisans. Outre une image positive et inclusive de l’artisanat luxembourgeois sur la place publique, la Chambre des Métiers s’engage depuis toujours, tant au niveau concret que politique, à promouvoir la diversité dans les métiers et soutient toute initiative en ce sens. Dans cet état d’esprit, la Chambre des Métiers continue à être à l’écoute et collaborer activement avec toutes les parties prenantes en faveur d’une plus grande diversité dans l’artisanat et dans la société au Luxembourg. »
Quelles suites?
La CLEP adressera ce jour son objection à l’annonceur, l’invitant à stopper la diffusion de la campagne concernée, sans pour autant avoir les moyens de l’y obliger.
Pour le CNFL, « cette situation confirme que si le sexisme est omniprésent dans un domaine, c’est bien celui de la publicité. » Aussi, il estime qu’il ne peut pas être simplement question de « thématiser l’impact des publicités sexistes » et rappelle que « le sexisme n’est pas une opinion, mais un acte illégal et donc sanctionnable ». Considérant qu’il est inadmissible de limiter la lutte contre un acte illégal à la seule sensibilisation, le CNFL revendique que la sanction des publicités sexistes soit systématisée.
Les médias et la publicité font partie intégrante de la législation anti-discrimination.
Extrait du communiqué du CNFL
« Les médias et la publicité font partie intégrante de la législation anti-discrimination. Le CNFL aimerait que cette législation soit plus connue et attire, par la même occasion, l’attention du gouvernement sur une possible plainte à introduire auprès du Centre pour l’Egalité de traitement (CET). » peut-on lire dans le communiqué du CNFL.
De son côté, l’annonceur a indiqué prendre le temps de la réflexion avant de décider des suites à donner.