Tech Supreme Court Junior: À Esch, le procès fictif des Réseaux Sociaux a rendu son vrai verdict

Dans le cadre de la EschTechWeek, la première édition de la Tech Supreme Court Junior a réuni des étudiants, des lycéens et des professionnels du secteur technologique à l’Hôtel de Ville d’Esch-sur-Alzette. Ce tribunal fictif s’est attaqué à l’un des sujets les plus brûlants du moment: l’impact des réseaux sociaux sur la société et les jeunes générations.

Face à un public attentif, un panel d’experts s’est prêté à l’exercice d’un véritable procès, avec une mise en scène immersive et des débats passionnés. L’objectif était d’analyser les enjeux majeurs des réseaux sociaux à travers trois chefs d’accusation clés. Crise de la santé mentale et de la vie privée, crise de l’éducation et crise de l’information: les réseaux sociaux sont-ils des outils de connexion et d’émancipation, ou bien des menaces pour notre bien-être, notre apprentissage et notre perception du monde?

Le procès s’ouvre: introduction du tribunal et des chefs d’accusation

La session a été ouverte par Serge Linckels, Directeur du Digital Learning Hub et président de cette cour exceptionnelle. Il a présenté les juges assesseurs, Hélène Moench, Chef du service jeunesse de la Ville d’Esch et Jeff Kaufmann, Project Manager de BEE Secure qui ont rappelé le cadre du procès et son importance dans un contexte où les réseaux sociaux façonnent profondément les comportements et les modes de pensée des jeunes générations. Le juge Moench a introduit l’accusé, porte-parole des réseaux sociaux – l’éducateur et comédien Saif Eddine Settif – et le juge Kaufmann a exposé les trois chefs d’accusation retenus: la crise de la santé mentale et de la vie privée, la crise de l’éducation et la crise de l’information.

Le procureur Sam Elsey, Council member of the British-Luxembourg Society Board Member de Jonk Entrepreneuren Alumni, Climate Pact Ambassador, a lancé les débats en appelant à la barre le premier témoin: Jérôme Commodi, juriste à la CNPD. Il a répondu aux questions du procureur et de l’avocate de la défense, Emilie Allaert, Founder de Digital Minds, sur les enjeux juridiques liés à la protection des données personnelles et à la régulation européenne des plateformes, évoquant notamment le RGPD et le Data Service Act.

Le ton était donné! Les débats allaient être riches, nuancés et animés par l’éducateur et comédien Saif Eddine Settif.

Regards croisés: sociologie, pédagogie et expérience utilisateur

Le sociologue Mathias Blanc, sociologue à l’Université du Luxembourg, a ensuite enrichi le débat d’un point de vue académique. Selon lui, les réseaux sociaux ne doivent pas être diabolisés: ils constituent à la fois des leviers d’inclusion et des amplificateurs de certaines dérives. Il a souligné la nécessité d’un accompagnement – parental, éducatif et politique – pour permettre une utilisation plus critique et consciente de ces plateformes. Interrogé sur la portée de ce procès fictif, il a reconnu que, puisque les réseaux sociaux sont des « produits de la société », c’est en réalité un reflet de cette dernière qui se trouvait, indirectement, sur le banc des accusés.

Puis, c’est au tour d’Estelle Kollar, professeure de mathématiques, créatrice du compte TikTok Wonderwomath et cofondatrice de monprof.ai, d’apporter son témoignage. À travers son discours, elle a su démontrer que les réseaux sociaux pouvaient devenir un outil puissant d’apprentissage, notamment dans les disciplines complexes comme les mathématiques. Elle a toutefois rappelé les réalités du harcèlement et de la pression algorithmique qu’elle a elle-même subies.

Paroles d’expertes et de jeunes utilisateurs

Barbara Fangille, Head of Brand, Communication & ESG chez Orange Luxembourg, a poursuivi en mettant en lumière les responsabilités des plateformes et des parents dans la régulation des contenus. Elle a insisté sur les défis liés à l’addiction et au contrôle des algorithmes, tout en reconnaissant le potentiel des réseaux sociaux pour fédérer des communautés autour de causes civiques.

Moment fort de la session: le témoignage de Cassandre, une élève utilisatrice quotidienne des réseaux sociaux. Avec sincérité, elle a partagé son expérience personnelle, les difficultés à se fixer des limites, la pression sociale, les risques liés à la vie privée… mais aussi les raisons pour lesquelles elle continue d’utiliser ces plateformes. Son intervention a permis de donner la parole à celles et ceux qui sont directement concernés, offrant un regard ancré dans le vécu, sur la réalité des usages numériques chez les jeunes. Une prise de parole finale qui a illustré la complexité des pratiques numériques adolescentes.

Coupables ou non? Un verdict nuancé pour une question de société

Après les plaidoiries finales, la cour a laissé place au jury pour la délibération: Guillaume Tanferri (LuxProvide), Nicolas Mathias (MarketIA), Joana Cavaleiro (Etudiante en Droit), Hocine Berrane (CALI Euope) et Talia Collignon (Etudiante en logistique). À l’issue de la pause, leur verdict a été rendu :

  • Crise de la santé mentale et de la vie privée: Non coupables, mais nécessité d’améliorer la sécurité des données personnelles.
  • Crise de l’éducation: Non coupables, en raison de leur utilité durant les périodes d’isolement comme le COVID, à condition d’un encadrement parental renforcé.
  • Crise de l’information: Coupables, en raison de leur rôle dans la désinformation. Une vigilance accrue, des campagnes de sensibilisation et du fact-checking sont essentiels.

Un débat citoyen à poursuivre

Ce procès fictif, organisé dans le cadre de la première édition de la EschTechWeek, a offert un espace de réflexion inédit sur l’avenir des réseaux sociaux et leur impact sur les jeunes générations. À travers des débats engagés et des points de vue contrastés, l’événement a permis d’éclairer les enjeux majeurs liés à ces plateformes et de nourrir la discussion sur leur régulation et leur évolution future.

Dans leurs mots de clôture, Serge Linckels, Hélène Moench et Jeff Kauffmann ont rappelé que les réseaux sociaux ne sont ni intrinsèquement bons ni mauvais. Ils reflètent la société qui les utilise, avec ses contradictions, ses espoirs et ses excès. La solution réside dans la co-responsabilité: éducateurs, familles, institutions, plateformes et citoyens doivent œuvrer ensemble pour un usage éclairé du numérique.

Ce débat est essentiel et doit se poursuivre au-delà de ces murs. C’est à nous, citoyens, de promouvoir une information de qualité et de ne jamais cesser de questionner ce que nous voyons et partageons.

Serge Linckels, Directeur – Digital Learning Hub

Pour revivre l’intégralité des échanges et des temps forts de cette édition Junior de la Tech Supreme Court, le replay complet est disponible sur la plateforme EschTV.